Mouvement Pertinence
Soirée du 23 mai 2016 au Sycomore

Ce qui dans les 12 propositions discutées pourrait être repris et approfondi.
Quatre notes de synthèse, accompagnées de quelques interpellations

1)   REMARQUES GENERALES A PROPOS DE CES 12 PROPOSITIONS

Ces thèses rappellent l’importance et la nécessité de préciser, au mieux, les notions auxquelles on se réfère. Que dit-on quand on parle de laïcité, de sécularisation, de pluralité, de christianisme ou d’Evangile… ? Ces propositions tentent de mettre en mots le contexte dans lequel le christianisme est appelé à s’inscrire, chez nous en particulier. Dans leur énoncé, elles reflètent le travail du cerveau gauche : elles analysent, différencient, clarifient, éclairent et mettent en perspective. Mais elles ne doivent pas oublier l’importance de l’hémisphère droit du cerveau. L’être humain est non seulement un être de raison qui a besoin d’intelligibilité et de clarté conceptuelle, mais il a aussi des besoins relationnels, existentiels et sociaux qui demeurent le plus souvent non couverts et doivent être pris en charge, dans un dialogue et un débat avec tous. Resurgiront alors des questions de sens, de raison d’être, de vie intérieure, de bien commun, etc.

Interpellations et questions :

- De nos jours, le christianisme est invité à réagir face au vide existentiel et aux névroses que génèrent nos société actuelles (dépendances et addictions, individualisme et fatigue d’être soi, troubles psychologiques et santé mentale, perte de sens et d’horizon, coûts de la santé publique, etc.)

- Le christianisme ne peut pas rester impassible non plus devant les avancées des sciences et des techniques qui bouleversent nos représentations du monde, de l’être humain, de la vie et du vivre-ensemble

- A l’heure d’une globalisation et mondialisation forcenées, des désastres écologiques et humains qui très souvent en découlent, quel rôle le christianisme peut-il jouer dans la construction d’une humanité commune et responsable ?

- Aujourd’hui, qu’est-ce que le christianisme se doit de rappeler, de faire et de vivre, de manière prioritaire ?

2)    A PROPOS DE l’EVANGILE COMME GESTE

Ce serait un leurre de prétendre résumer l’Evangile sous la forme d’une ou plusieurs propositions dont le statut serait définitif, établi une fois pour toutes. Car l’Evangile est toujours relationnel et contextuel. On ne saurait donc le ramener à une seule affirmation positive, à une doctrine universelle, absolue, a-temporelle, indépendante des contextes dans lesquels il est appelé à s’inscrire et à se manifester. Il est donc toujours lié à des situations historiques, à chaque fois différentes.

C’est que l’Evangile ne fournit aucune « vision ou explication du monde » ; il n’est pas non plus un « modèle de société » qu’il s’agirait d’exhumer, d’actualiser ou de mettre en œuvre. C’est pourquoi aussi ces thèses parlent de Geste ou de Style, c'est-à-dire de postures ou d’attitudes faites d’engagements et de positionnements personnels, d’interprétation de soi dans le monde, de manières de s’y tenir, d’y habiter et d’en répondre. Reste à exprimer cela plus simplement encore, avec les mots et les interrogations de tous…

En « modernité tardive », la pluralité et la sécularité du monde fournissent le cadre à partir duquel peut et doit s’énoncer et se vivre la foi chrétienne.

Interpellations et questions :

- Si le geste chrétien est aujourd’hui à repenser, en fonction de la nouveauté des contextes et des défis qui sont les nôtres, quels sont les éléments de la substance évangélique et de l’héritage chrétien qui sont à reprendre et à retravailler ? Peut-on les indiquer sommairement ?

- Quelles formes pourront prendre ces nouvelles tentatives de reformulation de la foi chrétienne ? La catégorie du « témoignage » (ou de « narration de l’expérience religieuse de soi »), comprise non pas comme une sorte « d’éjaculation subjective non contrôlée... » (René Blanchet), mais comme un « acte fondateur de soi », comme une synthèse, sensible et réflexive, de notre expérience subjective, pourrait-elle être une ressource langagière ?

- Aujourd’hui, encore, une question demeure : « Quelle est la singularité et la fonction de l’instance religieuse (tant pour les individus que les sociétés) ? »

3)   A PROPOS DE LAICITE

La laïcité est une construction juridique destinée à préserver l’autonomie politique de l’Etat face à l’emprise toujours menaçante des idéologies, religieuses, notamment. Elle constitue donc un mode de régulation juridico-politique de la pluralité religieuse, idéologique et convictionnelle. Si la laïcité concerne l’Etat, elle n’est pourtant pas un modèle destiné à réguler l’ensemble de la société civile.

Interpellations et questions :

- La laïcité peut-elle se limiter, aujourd’hui, à la particularité de chaque Etat ? Ne s’agit-il pas de la penser dans le cadre d’une réflexion plus générale sur le rôle des Etats dans le processus de globalisation mondiale (J.-L. Chancerel)?

- Lorsque l’on dit « société » ou « société civile, société globale », que dit-on au juste ?

- Si la laïcité va de pair avec la reconnaissance d’une autonomie et d’une consistance propres du monde, comment apprécier et jusqu’où justifier et valider cette « sécularité » du monde ? N’y a-t-il pas des limites dont il faut tenir compte et si oui, lesquelles ?
- Qu’est-ce qui va permettre d’éviter l’auto-bouclage des Etats et des Sociétés sur eux-mêmes (question du lieu vide, des droits de l’homme, des valeurs républicaines, etc.) ?

4)   A PROPOS DE SECULARISATION

La sécularisation désigne le processus de différentiation des sphères de la société (la reconnaissance de leur légitimité et de leur autonomie propres), sous l’emprise de la rationalisation du monde et des avancées scientifiques et techniques. C’est pourquoi, dans ce contexte de spécification fonctionnelle, la religion perd son rôle de clef-de-voûte ou de matrice universelles. Elle n’est plus le ciment englobant, justifiant l’existence des individus et assurant la cohésion des groupes et des sociétés.

Mais la sécularisation ne signifie pas pour autant la fin des formes religieuses de l’existence, leur disparition voire leur éradication. Elle ne sanctionne aucunement la fin de la religion, des croyances, du sens, de la spiritualité ou de la vie intérieure. Moins qu’une perte de substance religieuse, la sécularisation révèle, en modernité tardive, la perte d’assise et d’influences sociales des institutions religieuses (J.-P. Bastian) qui peinent à connecter les individus à des perspectives de transcendance, à rassembler et fédérer les troupes, à contrecarrer la montée des formes individualistes de l’existence et du croire.

Quant à la laïcisation, elle désigne des processus de sécularisation imposés par l’Etat, au nom de la laïcité.

Document au 31 mai 2016
Jean-François Habermacher