Contribution de Jean-Luc Blondel, 24.01.2017

Ecouter, comprendre, partager.
Pour un dialogue interreligieux dynamique

Contexte

A l’instar d’autres moments de l’histoire, notre monde est traversé par des tensions que certains cherchent à expliquer, voire à justifier, par des facteurs religieux. Il est important dans ce contexte que les femmes et hommes de foi s’engagent dans le dialogue entre et au sein des communautés religieuses, tant pour montrer l’apport essentiellement positif des religions à la construction de la paix dans la justice que pour proposer des susceptibles de contrer les mensonges, abus de langage, modes de corruption et de violences qui peuvent habiter les relations humaines.

Le dialogue entre les religions, ou plutôt : entre des personnes et communautés de (bonne) foi, requiert de chacune et chacun une sincère ouverture à l’autre et une pleine disponibilité à s’interroger sur ses propres jugements et préjugés. Le dialogue ouvre à l’autre et nous lie à lui. Ce dialogue n’est pas non plus sans risque, le premier étant peut-être celui de l’incompréhension suscitée par cette ouverture à l’autre au sein même de sa propre communauté.

Vu l’ambition de la vaste majorité des religions d’apporter à l’être humain, ou à la création dans son ensemble, bonheur, justice et salut, il n’est pas difficile de trouver un socle commun de valeurs et  propositions spirituelles entre courants religieux et spirituels, tout comme il est relativement aisé de discerner parmi elles des points de différence, voire d’opposition. Cette approche, comparative, a ses mérites, mais elle peut vite s’épuiser dans une vaine recherche d’un dénominateur commun suffisant fort et ample pour pouvoir mobiliser les croyants. Elle fait aussi courir le risque de chercher, avec plus ou moins de transparence, l’ « avantage comparatif » d’une tradition religieuse sur les autres.

A cette approche nous préférons celle qui, respectant pleinement l’individualité spirituelle du partenaire dans le dialogue, l’interroge sur sa propre histoire et ses expériences : comment se développe une conviction de foi, quelle relation entretient-elle avec les textes fondateurs, sa ou ses traditions, comment vit-elle la diversité en son sein, comment résout-elle la tension avec le monde séculier et laïc, comment lutte-t-elle , en son sein, contre les abus de pouvoir et tentatives de séquestration de la vérité, etc. ?

Engagements réciproques dans le dialogue

Le dialogue entre communautés de foi est un processus long et parfois difficile. Il en va d’ailleurs souvent de même au sein même d’une religion ou communauté de foi ! Le dialogue requiert un accord mutuel sur « l’ordre du jour » et les conditions dudit dialogue. Il vise, sans renier sa foi ni demander à ses partenaires de le faire, d’approfondir la connaissance des convictions de l’autre et de contribuer, ensemble, à étendre un climat de paix et de respect, au-delà même du cadre des personnes et communautés en dialogue.

Théologiquement, les partenaires dans le dialogue acceptent que

Politiquement, les partenaires dans le dialogue interreligieux veillent à ne pas être utilisés par des forces politiques ou idéologiques particulières ; elles encouragent et contribuent à créer un climat social au sein duquel l’Etat, ou toute autre autorité politique, reconnaissant la dimension spirituelle de l’être humain et la contribution positive des religions à la culture et à l’histoire des sociétés au sein desquelles elles se sont développées

Par leur dialogue, dans l’affirmation d’une modestie spirituelle réciproque, les partenaires dans le dialogue interreligieux expriment leur profonde conviction que

De même, le dialogue interreligieux vise à contribuer à l’établissement ou au renforcement de relations politiques et sociales et, par des efforts conjoints à

Les partenaires dans le dialogue interreligieux reconnaissent que le respect de la pluralité religieuse est une tâche exigeante : s’il représente un enrichissement mutuel, le respect de la diversité requiert également l’acceptation, parfois douloureuse, de ses propres limites ou manquements. Un dialogue interreligieux authentique ne gomme pas les différences : sans les exacerber, mais sans les minimiser non plus, il cherchera, non à consolider les positions de chacun, mais à construire des ponts et des liens et des ouvertures. La paix, sur le plan des religions et convictions spirituelles, c’est justement vivre avec nos différences, apprendre de l’autre et l’écouter, argumenter aussi, voire s’opposer à lui, dans le respect, quand ses convictions ou son comportement public menace le vivre ensemble et le partage en égaux. Le dialogue devient alors un outil pour surmonter difficultés et hésitations, où chacun aide l’autre dans sa propre recherche spirituelle, en vue d’un « bien commun » aussi large que possible.